J'existe mais je ne vis pas

Deux jours après cette aventure avec la jeune femme de la rivière, j'avais pris un peu froid car dans ma torpeur puis l'action, je n'avais pas pensé à changer mes habits mouillés. Rien de méchant, un rhume tout au plus. Je me promenais dans Asgard, ma ville natale. C'était le jour du marché. Il était, comme à l'accoutumée, bondé. Mais comme d'habitude, je me sentais seul. Je sentais les regards sur moi. Pour tous, je n'étais, je suis et ne serai jamais que Yuan, le bâtard du duc Ka-Fai. Et un demi-elfe en plus. Un bâtard, que se soit au niveau du sang comme de la naissance. Il y avait eu des moments dans ma vie où je souhaitais m'en sortir. Mais malgré mes efforts, ce monde ne semblait pas enclin à m'accueillir. Je m'isolais dans un coin, cette foule me donnait mal au crâne.

[Le personnage n'est pas Martel, mais une simple marchande de fleurs.]

La journée s’était bien passée pour elle.
Les badauds lui avaient acheté ses bouquets a une vitesse affolante.
Normal, car la beauté éphémères des fleurs était si fascinante, quand on sait que la guerre est a votre porte. Alors, la moindre touche de couleur ou de joie en devient précieuse.

La demoiselle rentrait tranquillement chez elle, un panier de victuailles sous le bras.
Mais quelque chose attira son regard.
Elle l’aperçut, là bas ... Le Bâtard Ka-Fai.
Dommage qu'il fut né demi-elfe s’était elle toujours dis, et même parfois elle en avait rosi.Il faut dire que le jeune homme était fort séduisant, avec sa chevelure cyan, et ses muscles de soldats. Elle rosit ici aussi en pensant aux nuit où la jeune demoiselle avait fantasmé, les doigts courant le long de son corps, sur le bel homme ...
Sans s'en rendre compte, la marchande de fleurs s'etait approchée de l'homme roulé en boule sur l'herbe. Si sa mère le voyait ainsi, elle hurlerait au tire-au-flan.

-Ça va?

Elle avait posé la question par pur réflexe, comme une humaine s’inquiète de son prochain.

Je me redressai aussitôt, entendant que l'on me parlait. Je me retrouvai face à une jeune femme. Il me semblait que c'était la fille des Ramone, celle qui rêvait de devenir fleuriste. Son père avait été jardinier pour la maison de ma belle-mère pendant quelques années.

- Oui, je vais bien, merci.

Je vis son panier vide.

- Les affaires marchent bien, à ce que je vois. C'est une bonne chose.

D'abord surpris par l'intérêt apparemment sincère que l'on me portait, j'eus un sourire un peu triste.

- La guerre est d'une atrocité sans nom. Elle ne donne qu'une justification factice au meurtre et aux autres horreurs. La guerre rend les hommes cruels, pires que des bêtes affamées...

J'eus un moment de silence. J'aurais pu parler des camps, des marchés de demi-elfes mais je ne voulais pas lui causer de mauvais rêves.

- Je suis revenu il y a deux jours. En couvrant mon nom de honte. Parce que je ne voulais pas faire passer la morale après les ordres. Mais toujours est-il que j'ai déshonoré le nom que mon père m'a donné.

J'eus un sourire de gratitude. C'était si rare que des humains me traitent normalement! Qu'ils ne m'insultent pas, qu'ils soient sincères dans leurs paroles envers moi! Ca faisait... du bien. Je l'entendis me parler de reconversion. Elle allait jusqu'à essayer de me donner une chance. Ah, le monde avait bien besoin de gens comme elle!

- Je n'y connais ps grand-chose en fleurs. Mais j'ai su par une amie de ma défunte mère que mon père avait eu le goût des fleurs grâce à elle. Si tu n'as pas peur d'un gros maladroit, je serai ravi de t'aider.

Je ris de bon coeur. Comme cela faisait du bien! Je n'avais pas ri comme ça depuis... Depuis... En fait, je n'avais jamais ri comme ça.

- Porter, je sais faire, chanter va amener la pluie pour tes petites protégées. Ravi de faire ta connaissance Suzette. Je m'appelle Yuan.

Il n'y avait rien d'étonnant dans le fait que Suzette travaille dans les fleurs. Elle était aussi fraîche et jeune qu'une brise de printemps.

- Si tu as besoin de moi ce soir, je serai là.

Ah, la Duchesse! La meilleure amie de ma belle-mère! Cette chère marâtre ne manquerait pas de se faire plaindre. J'imaginais sa voix haute gémir à propos du bâtard adultérin de son pauvre mari défunt, qu'elle a élevé par charité comme le veut la Sainte-Ecriture. Alors qu'au fond, toute la noblesse d'Asgard sait que si mon père n'avait pas insisté via un testament inviolable, elle m'aurait soit jeté du haut des monts d'Asgard ou noyé dans le Lac de Luin.

Elle rougit et dodelinât un peu de la tête.

- En fait, c'est pas pour le travail que je te demandais ça ...

Elle resserra ses bras autour d'elle et détourna les yeux.

- C'est juste, qu'en général pour ce genre de fête, il est bien vu d'avoir un cavalier ...

Elle rougit encore plus, si cela put être possible.

- T'es pas obligé hein?

Puis elle se leva, s'attendant a un refus bien hautain, lui rappelant son statut social comparé a celui bien plus haut placé de son vis a vis.

Je fus cloué sur place. Décidément, cette jeune femme était extraordinaire! C'était à croire qu'elle ne voyait en moi qu'un homme et non pas ce que la société disait de moi. Cela me soulageait au fond, il y avait des humains vraiment humains.

- Je serai ravi de t'accompagner.

Et je le pensais sincèrement.

Suzette fut surprise. Il était presque parfait cet homme.
Car là ou beaucoup voyaient une aberration et un mauvais tour de la nature, Suzette ne voyait qu'un homme de chair et de sang.

- Tres bien. On se retrouve ce soir alors. Minuit? Sous les lampions?

Elle désignât de la main les lanternes de papier, en train d’être posée par des ouvriers communaux.

- Entendu. A minuit sous les lampions. Je tâcherai de ne pas te faire honte. Lui dis-je avec un petit sourire.

Je la regardai s'en aller en me faisant un signe de la main auquel je répondis. Je sentis mon coeur étrangement léger. Un sourire naquit sur mes lèvres à l'idée de la soirée. Il fallait absolument qu'elle ne regrette pas son choix! Et puis, il fallait que je lui trouve des fleurs. N'est-ce pas ce que l'on offre à une jeune femme avec qui on passe une soirée? Mais où l'acheter? Je me voyais mal aller voir un potentiel concurrent, cela ne le ferait pas du tout!

- Mais que tu es bête Yuan! Tu peux rentrer au château de ton père et demander à un jardinier une jolie rose. Oui, demande à Paul. Tu lui en as déjà demandé pour la tombe de ta mère, ça ne posera pas de problème.

Je partis donc me préparer, optant pour la sobriété, je ne voulais pas gêner Suzette. Lui faire honneur, oui. La faire se sentir mal à l'aise, non. Je l'attendis donc à minuit, sous les lampions, comme convenu, une rose à la main.

[ La tenue de Yuan pour la soirée, si c'est celle de DOTNW, ça te va?]

- Bien sûr que je suis venu! Répondis-je avec un sourire.

Suzette était ravissante. Elle avait l'air d'un ange qui sortait d'un royaume fleuri.

-Tu viens danser avec moi?

Sa proposition me surprit. Mais mon esprit en tira une conclusion: Ne t'étonne de rien avec Suzette, elle n'est pas comme les autres humains.

- Avec plaisir. Mais avant...

Je lui tendis la fleur que j'avais apporté.

- C'est peut-être un peu vieux jeu mais je ne voulais pas arriver les mains vides.

Je me sentais parfaitement bien, je m'amusais, je passais un bon moment. Grâce à Suzette. Les musiques gaies flottaient dans le vent d'Asgard, la lune baignant la piste de danse improvisée. L'ambiance était au rendez-vous, les gens riaient et semblaient ravis par leur soirée. Ma cavalière dansait admirablement bien. Ce que je ressentais, était-ce le bonheur? Me sentis-je heureux? L'idée sortit de ma tête. J'étais bien, Suzette semblait s'amuser, c'était tout ce qu'il comptait.

Je sentis nos lèvres se frôler. Je voyais à son regard que je ne la laissais pas indifférente et ce, à mon plus grand étonnement. Et au fond, Suzette ne me laissait pas indifférent non plus. Elle était la seule à réussir à faire ressortir ce qui avait de bien dans la vie, qui arrivait à me faire comprendre que moi aussi, je pouvais être heureux, comme tout le monde, parce que j'en avais le droit. Dans les romans que j'avais lu, les auteurs appelaient cela coup de foudre. Cela me parlait bien, à moi qui maîtrisait le mana électrique. J'avais été électrocuté. J'en étais content. Je l'embrassai alors tendrement.

Je serrai la jeune femme contre moi. J'avais l'impression d'être dans un rêve magnifique.

- Si tel est le cas, je fais le voeu de ne jamais me réveiller.

Quelqu'un m'aimait. Mon coeur se réchauffait à cette pensée. A ce moment-là, Suzette aurait pu me raconter tout ce qu'elle voulait, genre que les veracrasses existent, je l'aurai cru. Elle m'avait déjà fait comprendre que la vie pouvait être belle pour tous et c'était en soi un grand exploit. Les dieux n'existent pas que dans les cieux. Ils sont également sur Terre.

Bien que nos deux amoureux prenaient du bon temps, il est une personne qui les observait d'un air renfrogné.

-Humf, espérons que le bâtard de mon défunt mari ne nous fasse pas un bâtard a son tour, cancana la marâtre de Yuan, en désignant les deux jeunes gens a sa voisine.
-Oui, ce serait bête, pour une si jolie demoiselle, renchérit celle ci.
- N'ayez crainte, je m'en chargerais en temps voulu. Il est grand temps que cette chose retrouve sa juste place!

La méchante femme croisa les mains, tout en réfléchissant deja a un moyen de blesser au plus profond le bâtard rejeton.

Suzette s'amusait bien ce soir. Elle était au bras du plus beau cavalier. Elle s'en était entichée.
Que demander de plus?
Pourtant la soirée toucha a sa fin.

-Il est temps pour moi de rentrer, sinon je ne pourrais pas me lever pour travailler demain.

[ Méchante belle-mère! XD ]

- Je vais te raccompagner, les rues ne sont pas sûres la nuit.

Et puis, ça nous donnait une bonne excuse pour rester ensemble encore quelques minutes. On pourrait parler de notre futur travail, de tout, de rien, être simplement à deux, profitant de la compagnie de l'autre. Charmant programme. Je voyais le monde d'un oeil neuf et frais. Et ce, grâce à Suzette. Une sacrée humaine. Qui sait? Elle arriverait peut-être à me réconcilier avec la part d'humanité qu'il y a en moi. Une part héritée d'un père que je n'ai jamais connu, à qui j'en veux un peu mais que je ne peux pas m'empêcher de l'aimer. Après tout, il avait tout tenté pour que je ne sois pas trop mal loti. C'était parce qu'il m'aimait un peu.